Solutions météo : quel équipement pour les CUMA ?

Solutions météo : quel équipement pour les CUMA ?

Type de projet

Etude

Partenaires

FR Cuma Ouest, Cuma de Normandie, Sileban, CA de Normandie, Littoral Normand, UniLaSalle

Référent UniLaSalle

Benoit Mercier (chargé d'étude), Simon RITZ

Durée

Juin – Septembre 2021

Les activités agricoles étant fortement impactées par les conditions météo, l’organisation des travaux est un enjeu important pour les agriculteurs. A l’heure du changement et du dérèglement climatique, les schémas organisationnels empiriques reçus des anciennes générations peuvent être grandement améliorés par la prise en compte de données scientifiques. Organiser ses chantiers en fonction de la météo est un enjeu clé pour gérer correctement ses productions et dégager de bons rendements.

Il existe aujourd’hui de nombreuses solutions mises à disposition des agriculteurs et des coopératives pour mieux gérer la météo. Ces solutions météo diffèrent par leur fonctionnement ou par leurs objectifs. Certaines prédisent la météo future, d’autres permettent de constituer un historique météo ou alimentent un outil d’aide à la décision (OAD).

Cet article vise donc à aider les agriculteurs et les coopératives dans l’élaboration de leur stratégie d’équipement en exposant les principaux critères de choix d’une solution météo. Il convient donc dans un premier temps de clarifier cette offre de solutions et d’établir dans un second temps une stratégie d’équipement au service des CUMA en fonction de leurs besoins.

Cet article est issu de travaux réalisés au sein de la chaire d’Agro-Machinisme et Nouvelles Technologies d’UnilaSalle, de rencontres avec des professionnels du secteur et d’échanges avec des adhérents de CUMA utilisateurs de solutions météo. Il s’inscrit dans un projet plus large : le partenariat européen pour l’innovation IoT Cuma, porté par la fédération régionale des Cuma de l’Ouest.

Benoit Mercier (à droite), en visite au cours de son étude

Différents services proposés

Tout d’abord, il nous faut faire la différence entre l’historique météo qui concerne la météo passée et les prévisions météo qui concernent la météo future. Dans le cas de stations météo, telles que nous en voyons dans les exploitations agricoles ou sur le bord des routes, celles-ci sont composées de capteurs et produisent des historiques de données météo. Historique météo et prévision météo sont deux familles de données qui ne fonctionnent pas sur les mêmes principes. La complexité des prévisions météo n’est, en effet, pas comparable au traitement des données d’historique météo même si des liens existent entre ces deux types de données.

Composition et fonctionnement d’une station météo connectée

Pour constituer un historique météo dans le cas d’une exploitation agricole, il est possible d’installer une station météo au plus près de ses parcelles. Que la station soit connectée ou non, les données récoltées sont alors des données météo passées ou quasi en temps réel, en fonction de la fréquence de communication de la station ou de visite par l’agriculteur. Ces stations sont constituées d’un ensemble de capteurs, mesurant chacun une donnée météo particulière.

Généralement, les capteurs les plus utilisés permettent la mesure de la température, de l’humidité relative et de la pluviométrie. Pour la température et l’humidité, ces capteurs électroniques fonctionnent grâce à la variation de l’impédance du capteur en fonction de la température et de l’humidité relative. Le pluviomètre est quant à lui constitué d’un entonnoir avec un système de comptage par auget basculant. Les anémomètres et girouettes sont d’autres capteurs fréquemment installés pour la mesure de la vitesse et de la direction du vent. Ils servent principalement à s’assurer de bonnes conditions de pulvérisation.

On peut également équiper une station météo d’un capteur de rayonnement permettant de calculer l’ETP, d’un capteur d’humectation foliaire permettant de calculer des points de rosée et le mouillage de la feuille ou d’autres capteurs de température et de teneur en eau volumique ou tensiométrique qui mesurent ces données dans le sol à différentes profondeurs.

Les stations météo sont enfin connectées via un système d’antennes à un réseau de communication. Il s’agit généralement de réseaux bas débits, comme SigFox ou LoRa, qui permettent l’envoi des données issues des capteurs vers un serveur. L’utilisateur final peut alors consulter sur une application mobile ou sur une page Web, les données météo issues de sa station. Ces données sont donc des données d’historique météo et, en fonction de la fréquence de communication de la station météo, des données en temps réel.

Autres outils météo : météo spatialisée et prévision météo

Il est également possible de calculer par interpolation des données d’historique météo. En croisant différentes sources de données d’observation (radars, satellites, stations météo, etc) et des modèles mathématiques, on peut estimer des paramètres météo à un endroit souhaité. Cette solution porte le nom de météo spatialisée, elle a l’avantage de ne pas nécessiter de station météo à l’endroit où l’on souhaite avoir des résultats.

Enfin, la prévision météo est un service complexe permettant de prédire le temps futur. Pour cela des modèles mathématiques croisent des données issues d’historiques météo avec des données issues de capteurs et d’outils de mesure variés comme des radars, des satellites, des stations météo, des bouées océaniques ou des ballons sondes…

Utilité des solutions météo pour les agriculteurs

Les prévisions météo, la météo spatialisée ou les données issues de stations météo connectées permettent aux agriculteurs de connaitre avec une plus ou moins grande précision la météo présente, passée ou future sur leurs parcelles. Un premier usage des données météo concerne l’organisation des travaux agricoles. Connaitre la météo qu’a subi une parcelle peut déterminer le choix d’un outil, d’un engin, ou la date d’un chantier. La météo ayant une forte influence sur les caractéristiques du sol, on peut ainsi savoir si le champ est praticable, si l’herbe a suffisamment séché lors d’une campagne de fenaison ou si les conditions sont réunies pour semer. On économise ainsi du temps de déplacement et l’organisation des travaux peut être faite plus rationnellement.

On peut aussi organiser ses travaux avec l’appui des prévisions météo. Connaitre la météo future est en effet un avantage important pour maximiser les chances de levée d’un semis, améliorer l’efficacité de ses pulvérisations phytosanitaires ou choisir une date de fauche d’herbe.

Ainsi la connaissance des conditions météo passées et futures, est un avantage important pour l’organisation des travaux agricoles.

Les agriculteurs peuvent également utiliser les données météo de leurs parcelles pour faire fonctionner un Outil d’Aide à la Décision (OAD). Les données météo passées et futures sont alors couplées à des modèles agronomiques pour aider les agriculteurs dans différentes tâches. Aujourd’hui, les alertes pour prévenir de situations propices au développement de certaines maladies fongiques, la gestion de l’irrigation, ou encore l’optimisation des récoltes du maïs fourrage avec le suivi du taux de matière sèche des plantes sont différents OAD qui nécessitent l’utilisation de données météo.

Comprendre son besoin, un gage de choix éclairé

La complexité des différentes solutions météo et la différence entre historique et prévision font des solutions météo un univers parfois obscur pour les agriculteurs. Difficile pour eux, dans certains cas, de faire la part des choses entre besoins réels et argumentaire commercial offensif de certaines entreprises.  

Ainsi, de nombreux utilisateurs de stations météo connectées pensent que leur station sert à prévoir la météo de demain. Cette idée est très majoritairement fausse. Les prévisions météo sont d’abord et avant tout basées sur des données fiables issues de stations météo professionnelles et sur une myriade de capteurs divers (radars, ballons sondes, bouées océaniques, satellites, stations en altitude…).

Les stations connectées des agriculteurs peuvent dans certains cas, affiner les données spatialisées historiques et non les prévisions.

Une station météo connectée peut alors, si elle n’est pas adaptée aux besoins de l’exploitation, n’être qu’un gadget qui ne donnerait à l’exploitation agricole qui la gère qu’une image d’entreprise connectée et tendance. Cet outil ne serait cependant pas utilisé à son plein potentiel, à des fins d’organisation de travaux ou dans le cadre d’un OAD.

La stratégie de choix

Etude du besoin

Afin d’accompagner les adhérents de CUMA dans leurs choix d’investissement et de modernisation, il semble opportun de se poser la question des besoins auxquels devra répondre la solution météo choisie. Il est important d’être clair sur les usages concrets qui seront fait de la solution météo entre OAD, organisation des travaux ou consultation des prévisions météo. Il nous faut également considérer la situation de la CUMA ou de l’exploitation à travers trois critères principaux : les cultures, le milieu topographique et le parcellaire.

Les cultures présentes sur la CUMA ou l’exploitation seront déterminantes pour le choix d’un OAD et l’organisation des travaux. Ensuite, il faudra connaitre les données nécessaires au bon fonctionnement de l’OAD choisi et à la bonne organisation des travaux agricoles. Par exemple, certains OAD ne nécessitent que des mesures de température et de pluviométrie et ces données aideraient suffisamment pour l’organisation des travaux. A l’inverse, un arboriculteur pourrait souhaiter installer un capteur d’humectation pour lutter contre certaines maladies fongiques dans ses vergers, alors qu’un céréalier n’en aurait aucune utilité. On choisira donc des données de météo spatialisée ou une station météo équipée au plus près des besoins des adhérents et en fonction des cultures mises en place.

De même, le milieu topographique et l’homogénéité de ses conditions météo apportent de précieuses informations sur la légitimité de la météo spatialisée. Si la CUMA est située en bord de mer avec de fortes hétérogénéités météo, il est probable que des solutions de stations météo connectées, plus précises à l’échelle de la parcelle, soient plus opportunes que dans le cadre d’une CUMA implantée sur des plaines beauçoises ou picardes, où une solution de météo spatialisée pourrait peut-être convenir davantage.

Enfin, l’étendue du parcellaire et son éclatement territorial est un critère important pour le choix de la solution et la quantité de points météo ou de stations à implanter. Mettre en place un maillage de stations météo sera ainsi plus facile dans une CUMA dont le territoire est resserré plutôt que dans une CUMA où les adhérents sont éloignés les uns des autres. Dans ce dernier cas, l’investissement économique sera beaucoup plus important et sa légitimité est à questionner face à la rentabilité des services météo associés.

On notera également que toutes les données météo ne sont pas pareillement spatialisables. A titre d’exemple la température l’est assez facilement tandis que la pluviométrie l’est beaucoup moins. Cela s’explique par des phénomènes très localisés d’orages en été ou par des phénomènes de rideaux de pluie rendant complexe l’interpolation spatiale de ces données. Une solution de météo spatialisée est donc plus ou moins pertinente en fonction des données météo attendues. De manière générale, la fiabilité des données spatialisées historiques peut varier entre 85 et 95% selon les paramètres et selon la densité de stations présentes au sol.

Il convient donc de connaitre l’usage qui sera fait des données pour juger de la pertinence d’une solution, sachant qu’une complémentarité entre météo spatialisée et capteurs au sol est parfois proposée et adaptée à certaines pratiques (lutte contre le gel ou pilotage d’une irrigation par exemple).

Enjeux de la station météo, maintenance et précision

Un autre aspect important à considérer dans le choix d’une solution est sa capacité à durer dans le temps. Les stations météo étant implantées au plus près des parcelles, elles sont exposées aux événements climatiques, ce qui en fait leur force mais également leur faiblesse.

Il faut d’abord signaler que la mesure de l’humidité relative, c’est-à-dire de la pression partielle de la vapeur d’eau sur la pression de vapeur d’eau saturante dans les mêmes conditions, est particulièrement déterminante pour la longévité des stations. Cette mesure est réalisée dans la plupart des stations connectées par un capteur de technologie capacitive utilisant la variation de la capacité d’un condensateur pour quantifier l’humidité relative ambiante. Or ces capteurs ont tendance à dériver dans le temps. Comme une éponge qui viendrait s’user au fur et à mesure qu’on l’humidifie et qu’elle s’essore, la sonde dérive et un offset, c’est-à-dire un décalage, se produit. Il est donc important de régulièrement recalibrer ou changer la sonde d’hygrométrie afin de conserver des données de qualité. Certains fournisseurs de solutions météo prévoient dans leurs contrats d’installation ce réétalonnage ou le changement régulier de la sonde d’humidité. Le reste de la maintenance de la station est cependant généralement à la charge des utilisateurs.

La station météo connectée nécessite également un entretien régulier pour assurer des mesures précises. Le nettoyage fréquent du pluviomètre est indispensable pour éviter toute obstruction de ce dernier et afin de garder des mesures de pluviométrie correctes. De même, l’abri contenant les sondes de température et d’humidité doit être fréquemment nettoyé, en enlevant tous les insectes qui viendraient y tisser leurs toiles et construire ainsi autour des capteurs un microclimat.

Ces aspects de maintenance sont une des faiblesses des stations météo connectées qui peuvent émettre des données faussées en cas dde défaillance. Prendre en compte la maintenance dans le choix d’une solution et d’un fournisseur semble donc être fondamental.

Des solutions sur-mesure

Les fournisseurs de solutions météo tendent à proposer de plus en plus des offres sur-mesure permettant aux agriculteurs de maîtriser le nombre, les capteurs implantés et la position des solutions météo. En effet, chaque coopérative et chaque exploitation fait face à des problématiques météo et organisationnelles propres.

Une solution météo doit être choisie pour correspondre à un besoin opérationnel (faire fonctionner un OAD, mieux planifier ses travaux…). L’idéal est donc de se tourner vers un fournisseur qui analysera d’abord les besoins de la CUMA pour proposer dans un second temps des solutions météo adaptées. Il est alors important de justifier les choix faits en considérant les différentes possibilités du marché. Pourquoi la météo spatialisée ne convient-elle pas ? ou convient mieux ? Pourquoi ces capteurs ont-ils été choisis ? Combien de points météo ou de stations seront mis en place, et pourquoi ?

La solution mise en place sera alors réellement calibrée pour votre exploitation et l’investissement aura été rationnellement évalué.

Ainsi, les solutions météo sont nombreuses et peuvent permettre aux agriculteurs et aux groupements d’agriculteurs (CUMA, coop, négoces, syndicats…) de mieux s’organiser et de mieux prévoir leurs travaux culturaux. Les OAD sont également des outils précieux dont le développement suscite un intérêt croissant, en particulier pour les cultures à fortes valeurs ajoutées.

Il est cependant nécessaire que les CUMA établissent au préalable une stratégie d’équipement pour cibler efficacement les solutions météo qu’elles souhaitent mettre en place ainsi que les capteurs et modèles de stations météo. Ces outils météo doivent être choisis pour des objectifs précis et leur fonctionnement doit être clarifié afin que les utilisateurs sachent prendre de bonnes décisions et poser un regard critique sur le fonctionnement des solutions météo au cours du temps.

Mieux comprendre et maitriser le fonctionnement de ces nouveaux outils numériques sont des leviers importants pour les utiliser avec facilité, démocratiser leurs usages et tendre toujours plus vers une agriculture précise et maitrisée.