Quelles solutions pour le suivi des travaux en CUMA?

Quelles solutions pour le suivi des travaux en CUMA?

Type de projet

Etude

Partenaires

FR Cuma Ouest, Cuma de Normandie, Sileban, CA de Normandie, Littoral Normand, UniLaSalle

Référent UniLaSalle

Benoit Mercier (chargé d'étude), Simon RITZ

Durée

Juin – Septembre 2021

On parle souvent de Big Data, de révolution numérique et d’internet des objets dans la robotique ou la domotique mais où en sommes-nous dans le secteur agricole? Quelles technologies sont mises en place et pour quelles utilisations?

Au sein des Coopératives d’Utilisateurs de Matériels Agricoles (CUMA), on cherche depuis quelques temps à simplifier et automatiser le suivi des matériels et la facturation. De nombreuses startups ont ainsi développé des produits de télémétrie et de comptage des travaux avec un objectif: mettre fin aux carnets de travaux papiers.

Si beaucoup d’initiés connaissent Karnott®, actuel chef de file du marché de la télémétrie pour les CUMA, d’autres constructeurs existent et proposent des offres différentes par les technologies utilisées ou par les fonctions possibles. On cherche ici à présenter les différentes solutions d’un point de vue technologique et à proposer quelques critères de choix d’investissement.

Il sera tout d’abord abordé le fonctionnement des principales technologies utilisées dans ces boitiers, puis les fonctionnalités et les enjeux qui leur sont liés pour enfin terminer en abordant le choix du fournisseur et de l’équipement.

Cet article est issu de travaux réalisés au sein de la Chaire Agro-Machinisme et Nouvelles Technologies d’UnilaSalle, de rencontres avec des professionnels du secteur et d’échanges avec des adhérents de CUMA utilisateurs de moyens de télémétrie. Il s’inscrit dans un projet plus large : le partenariat européen pour l’innovation IoT Cuma, porté par la fédération régionale des Cuma de l’Ouest.

Benoit Mercier (à droite), en visite au cours de son étude

Principales technologies utilisées

Le compte-tour, la solution traditionnelle

Dans de nombreuses CUMA effectuant des locations de matériels pour leurs adhérents, la solution retenue pour quantifier l’utilisation du matériel agricole, a été de mettre en place sur tous les outils des compteurs mécaniques. Dans la majorité des cas, ces compteurs sont des compte-tours, ou odomètres, et fonctionnent sur le même principe que ceux présents dans les voitures. Un arbre de mesure est équipé d’un aimant qui provoque la fermeture d’un interrupteur à lame souple à chaque rotation. Il existe également des capteurs spécifiques à certains outils, comptant par exemple le nombre de balles pressées ou le nombre d’ouvertures d’une trappe de tonne à lisier.

Ces capteurs sont relevés avant et après chaque location et le travail effectué correspond à la différence entre l’affichage de fin de chantier et l’affichage du début. Pour suivre tous les matériels et retranscrire ces données, des carnets de bons de travaux suivent le matériel et sont remplis par les adhérents. Malgré la robustesse apparente de cette solution traditionnelle, certains problèmes subsistent. Les carnets de travaux sont parfois perdus, passent à la machine à laver et les oublis restent fréquents. Cela conduit à des impayés importants et à des tensions entre adhérents.

Cette solution traditionnelle peut toutes fois être digitalisée pour devenir un compte-tours connecté. C’est l’idée défendue par Kemtag® qui commercialise un compte-tour électronique dont les remontées d’informations se font grâce à une connexion Bluetooth avec le smartphone de l’utilisateur. Les données ont ainsi moins de chance d’être perdues et sont centralisées sur une plateforme Web.

La géolocalisation, l’outil télémétrique par excellence

D’autres solutions de télémétrie proposent aux CUMA un suivi de leurs matériels par géolocalisation. Les boitiers fonctionnent alors comme des récepteurs GPS et les activités agricoles des adhérents sont repérées grâce au balisage du matériel.

D’un point de vue technique, le boitier reçoit des signaux électromagnétiques de plusieurs satellites GPS contenant des informations sur l’heure de départ du signal et la trajectoire du satellite et procède à une triangulation. Avec trois satellites on devrait, en théorie, arriver à obtenir un point.

Il est cependant nécessaire de recevoir les informations d’un quatrième satellite afin de corriger certains défauts dus à la traversée des différentes couches de l’atmosphère par les signaux et aux défauts d’horloge des satellites. D’autres corrections sont également possibles avec par exemple l’utilisation de satellites géostationnaires ou un fonctionnement en multi-constellations (GPS, Glonass, Beidou ou Galileo), ou en multi-fréquences.

L’utilisateur importe de son côté son parcellaire ou associe une à une ses parcelles lorsqu’elles sont repérées par le boitier. La largeur de l’outil est également fréquemment renseignée suivant le boitier choisi. L’ensemble des points GPS produits est alors analysé et donne de nombreuses informations sur les surfaces travaillées, le temps passé dans la parcelle…La fréquence du pointage et la précision des mesures rendent possibles ou non certaines fonctionnalités que nous verront par la suite.

Technologies auxiliaires

Parallèlement aux usages de géolocalisation, les constructeurs de boitiers développent de plus en plus des connections Bluetooth entre leur boitier principal et des beacons Bluetooth. Ces «Tags» sont en fait des récepteurs Bluetooth communiquant des informations avec le boitier principal. On peut ainsi voir des Tag outils permettant d’associer un outil au parcours géolocalisé d’un tracteur ou de la même manière des tags chauffeur.

On peut également, pour certains produits, bénéficier d’un raccordement à l’Isobus et ainsi d’un accès direct aux données de l’ordinateur de bord du tracteur. Cette option permet de mieux suivre l’activité du matériel notamment via la consommation en carburant, le régime moteur ou la vitesse d’avance.

Enfin, les boitiers sont équipés de moyens de communication pour transmettre à un serveur les données acquises dans les champs. La plupart des boitiers utilisent alors une carte SIM et envoient les informations de géolocalisation via les réseaux GSM ou 3G. D’autres possibilités sont exploitées avec les réseaux NB-IoT, LTE-Mou même avec le réseau bas débit SigFox dans le cas de la marque Findit®.

Fonctionnalités et enjeux

Fonctionnalités principales

L’objectif principal des boitiers de télémétrie est de quantifier les travaux agricoles des adhérents au plus juste pour remplacer les carnets de travaux papier. Les CUMA n’ont cependant pas toutes les mêmes méthodes et attentes en termes de comptage des travaux et de facturation. Facturer les travaux à l’hectare ou les facturer à l’heure favorise ou pénalise certains adhérents en fonction de leurs parcellaires. Ainsi, un adhérent ayant de petites parcelles aura intérêt à être facturé à la surface tandis qu’un adhérent ayant de très grandes parcelles préfèrera une facturation horaire.

Parallèlement à cette fonctionnalité de comptage des travaux, les boitiers de télémétrie permettent également aux utilisateurs de géolocaliser leurs matériels. On peut ainsi savoir quasiment en temps réel la position des différentes machines pour mieux répondre aux réservations par exemple.

Opportunités

Le développement des outils de télémétrie présente également de nombreuses opportunités pour d’autres services en lien avec la mesure des activités aux champs.

Tout d’abord, la mesure des travaux aux champs peut être un premier pas vers une facilitation et une automatisation de la facturation des travaux. Les CUMA proposant des prestations avec chauffeur peuvent également utiliser leurs boitiers de télémétrie couplés avec des tags chauffeur pour faciliter la paye de leur personnel en fonction des travaux réalisés.

L’organisation des travaux peut également être facilitée et conseillée grâce à la géolocalisation du matériel. Les adhérents pourraient par exemple réserver le matériel selon un roulement plus optimisé entre les exploitations afin de minimiser les transports.

De même certaines solutions de télémétrie pourraient procurer du conseil aux CUMA qui les mettent en place. Les boitiers acquérant de nombreuses données sur les travaux au sein de la CUMA et sur le parcellaire des adhérents, il serait par exemple possible d’aider le conseil d’administration dans ses choix d’investissement en les rationnalisant. Ainsi, si les adhérents cherchent à prioriser l’achat d’un matériel plutôt qu’un autre, on pourra analyser les surfaces concernées, le nombre de kilomètres parcourus en transport et ainsi connaitre les économies réalisées par l’achat d’un deuxième matériel.

Enfin, une dernière opportunité pour les boitiers de télémétrie est d’assurer en plus de leurs fonctions de suivi des travaux, la traçabilité des traitements phytosanitaires. C’est en effet une obligation pour toutes les exploitations agricoles de réaliser un suivi précis des traitements sur leurs cultures. Ce suivi est généralement fait de la même manière que les bons de travaux de la CUMA, sur carnets papier. Les boitiers de télémétrie pourraient donc mettre fins à ces carnets et regrouper au sein d’une même solution, suivi des travaux et traçabilité des traitements.

Enjeux

Si les boitiers permettent dans la plupart des cas de quantifier les travaux des adhérents et de géolocaliser le matériel, ils doivent également répondre à certaines exigences propres au fonctionnement des CUMA.

Tout d’abord, les boitiers doivent être suffisamment précis pour assurer un relevé juste des travaux. Cette précision doit être spatiale, par exemple pour éviter une mauvaise facturation dans le cas d’un travail en bordure de parcelle, et temporelle, pour pouvoir repérer les travaux brefs.

Les moyens de télémétrie sont également confrontés à la problématique du recouvrement des travaux. Ainsi, il convient qu’un adhérent qui déchaume en repassant sur la moitié de la passe précédente soit facturé le double par rapport à un adhérent ne recouvrant pas ses passes de travail.

La différence entre le travail et le transport doit également être une possibilité du moyen de télémétrie. En effet, les adhérents sont facturés en fonction du travail agricole réalisé et non en fonction de leur éloignement du hangar de la CUMA. Cette différence entre transport et travaux aux champs est particulièrement importante dans le cas particulier de la traversée des droits de passage entre adhérents d’une même CUMA. De mauvaises facturations peuvent alors avoir lieu et doivent être empêchées.

Enfin, un dernier enjeu important pour une solution de télémétrie robuste est sa capacité à contrer toute tentative de fraude. L’arrachement des capteurs ou leur désactivation pour minimiser les coûts de location doit être une préoccupation des constructeurs pour proposer des produits fiables et complets.

Produits et choix

Choix du boitier

Pour le choix d’un fournisseur de solution connecté, un premier choix est à faire en fonction des besoins de la CUMA. Afin de rendre ces solutions de télémétrie utilisables par tous, il sera judicieux de s’assurer de l’accord général pour géolocaliser les matériels de la CUMA et renseigner les parcelles des adhérents. Si certains sont formellement contre la transmission de leurs données personnelles de géolocalisation, il est probable que la seule solution pour mettre fin aux carnets papier soit le compte-tours connecté Kemtag Ogo®.

De même, on peut également se pencher sur la solution passant par le téléphone portable de l’adhérent. Si tout le monde est équipé et que cela semble opportun, la solution Aptimiz® pourrait convenir.

Cependant, dans la majorité des cas, la mise en place de boitiers traceurs est pertinente et la géolocalisation est adaptée aux besoins de la CUMA. Les boitiers Karnott®, Samsys®, Findit® ou My Optimo® sont alors à étudier. Des fiches synthèses de ces technologies sont proposées en lien avec cet article pour une comparaison plus fine du fonctionnement de ces différentes solutions.

Le tableau suivant récapitule les principales fonctionnalités des différentes solutions :

Comparaison technologique de différents boitiers connectés, 2021, Benoit Mercier, Chaire AMNT, UniLaSalle

Pour plus d’informations sur les différentes solutions de boîtiers connectés, vous trouverez ici ou ici des synthèses réalisées par solution technique.

Equipement et mise en place

Avant la mise en place d’une solution de télémétrie en CUMA, il est important de repérer si un téléversement des données télépac est indispensable pour faire fonctionner le boitier. Dans la plupart des cas, il est aussi possible de saisir manuellement les parcelles des adhérents ne souhaitant pas transmettre leurs fichiers télépac mais cette opération peut être longue et fastidieuse.

Les boitiers présentent l’avantage important d’être mobiles et de pouvoir, pour la plupart, être transférés d’un outil à l’autre en fonction des travaux en cours. Il faut cependant renseigner ces changements sur la plateforme Web ou l’application.

Lorsque les boitiers seront mis en place il est également important d’établir des process pour éviter facilement quelques problèmes courants. La charge des batteries ou le téléversement des données peuvent ainsi être programmés sur un planning. Un responsable peut aussi être désigné pour les relations avec le service après-vente.

Enfin, il est important de faciliter la mobilité des boitiers sur les outils pour minimiser le nombre de boitiers à acheter et les coûts d’abonnement. Pour cela, la méthode de changement d’outil devra être maîtrisée parle plus grand nombre d’adhérents et on devra pouvoir repérer facilement les boitiers disponibles.

Ainsi, les solutions de télémétrie sont porteuses de nombreuses opportunités pour faciliter et optimiser l’organisation des CUMA. Le choix d’un fournisseur doit se faire en fonction des besoins de la coopérative et de son fonctionnement.

Il est ensuite important de prendre en main ces nouveaux produits et de les ajuster au fonctionnement de la CUMA afin de les rentabiliser et de constater rapidement les avantages et les inconvénients de leur mise en place.

Mieux comprendre et maitriser le fonctionnement de ces nouveaux outils numériques sont des leviers importants pour les utiliser avec facilité, démocratiser leurs usages et tendre toujours plus vers une agriculture précise et maitrisée.