[DatAgri] Comment caractériser les pratiques agricoles à l’aide de capteurs de bases contenus dans les smartphones ?
Type de projet
Etude
Partenaires
–
Référent UniLaSalle
Simon RITZ, Davide RIZZO, Olivier RAMSPACHER (chargé d’étude)
Durée
mai 2020 – juillet 2020
Le projet DatAgri est né du constat que collecter des données sur l’utilisation des agroéquipements en vue de caractériser les pratiques agricoles à l’échelle d’une exploitation passe historiquement par des méthodes actives d’enquêtes et/ou le travail d’un conseiller ; des démarches chronophages et coûteuses qui débouchent sur des résultats subjectifs et en quantité relativement faible. La collecte de ces données à grande échelle est un enjeu pour l’agriculture. Elle permettrait de créer des références objectives et géolocalisées alimentant les OAD de demain ; basés sur des modèles agronomiques complexes et auto-apprenant. C’est en ce sens que la Chaire AgroMachinisme et Nouvelles Technologies cherche à répondre aux défis de collecte passive de données.
Définitions des termes utilisés :
Pratique agricole : méthode de culture mise en place sur une exploitation. Elle peut se traduire par la somme des interventions.
Opération agricole : action générique réalisée pour obtenir un effet précis sur une parcelle.
Intervention agricole : correspond à la réalisation d’une opération sur une ou plusieurs parcelles avec des caractéristiques définies (date, produit utilisé, etc.).
La collecte passive n’est cependant pas nouvelle : les technologies embarquées sur les machines les plus récentes collectent déjà un nombre incalculable de données. Cependant, elles sont souvent uniquement exploitées par les constructeurs et non directement accessibles aux exploitants agricoles. Des solutions existent pour valoriser ces données pour l’exploitant, mais elles impliquent souvent un abonnement à une plateforme internet, qui ont alors souvent la caractéristique d’être mono-marque. Et donc difficilement valorisables pour caractériser les pratiques agricoles d’une exploitation.
D’autres technologies externes, type boîtiers connectés, ont été développées depuis les années 2010. Très performantes, elles nécessitent elles aussi néanmoins un achat et un abonnement. De plus, les données collectées reflètent majoritairement l’action d’une seule machine et non de l’ensemble d’une exploitation. Elles doivent donc être déplacées de machine en machine pour fournir une vision globale à l’échelle du parc matériel de l’exploitation, ou multiplier les coûts d’achat pour s’équiper de nombreux dispositifs.
L’étude a donc cherché à évaluer l’existence et la pertinence de solutions alternatives. Pour collecter de la donnée passivement, à un faible coût et sur l’ensemble de l’exploitation, il fallait s’intéresser à une technologie déjà présente dans la majorité des exploitations, permettant de suivre l’utilisateur dans toutes ses interventions. La valorisation des données captées par les smartphones est une des solutions envisagées dont le potentiel a été évaluée durant la présente étude.
L’objectif de l’étude était de comprendre quel potentiel il y a à traiter ces données collectées passivement grâce aux smartphones des agriculteurs pour comprendre et caractériser les pratiques agricoles.
Pour répondre à cet objectif, trois axes d’étude sont pris en compte dans le cadre de cette étude :
- Un axe équipement, qui doit valider l’hypothèse que les agriculteurs sont majoritairement équipés de smartphones ;
- Un axe technologique, pour étudier les possibilités de collecte et de traitement de données collectée passivement à partir des smartphones ;
- Un axe de modélisation, dont le but est de comprendre quels sont les données nécessaires pour pouvoir distinguer les différentes opérations.
Une étude bibliographique a été réalisée pour donner des réponses aux deux premiers axes. L’infographie ci-dessous en résume les principales conclusions :
Cette étude a permis de mettre en évidence le potentiel des smartphones. Une grande partie des agriculteurs en possèdent un et 89% d’entre eux l’utilisent déjà dans leur activité professionnelle. Néanmoins, les agriculteurs ont besoin d’être rassurés sur le partage de leurs données. Les smartphones sont équipés d’un grand nombre de capteurs parmi lesquels géolocalisation, accéléromètre et microphone sont les plus pertinents pour caractériser les pratiques agricoles.
Cependant, le parc smartphone étant hétérogène, ils ne sont pas tous équipés des mêmes capteurs ce qui engendre des différences dans la nature et la précision des données collectées. Il s’agissait donc dans un deuxième temps de comprendre quelles sont les données minimales permettant de distinguer les opérations agricoles entre elles.
Pour répondre à cette problématique, il a été décidé de réaliser des études de cas sur trois exploitations existantes afin de caractériser finement les opérations effectuées, en se focalisant sur les données accessibles uniquement grâce à la géolocalisation et à la date ; des données présentes sur tous les smartphones.
Pour ce faire, des entretiens avec des agriculteurs ont été réalisés afin de lister l’ensemble des opérations qu’ils effectuent. Pour définir chaque opération, les plages potentielles de plusieurs paramètres ont été utilisées, c’est-à-dire l’ensemble des valeurs que peut prendre chaque paramètre (date de réalisation, vitesse et largeur de travail). Cela permet d’estimer s’il est facile ou non de distinguer une opération des autres.
Les premiers travaux se sont focalisés sur l’analyse de la pertinence de deux premières plages : vitesse et date de l’intervention. Dans les figures ci-dessous, plusieurs opérations sont représentées en fonction de la date de réalisation et de la vitesse de travail potentielles.
Figure 1: Figure de recouvrement de trois opérations en conflits (rotoherse, semis de betteraves et semis de maïs)
Figure 2: Figure de recouvrement de trois opérations facilement identifiables (semis de colza, semis de blé d’hiver et pulvérisation)
Grâce à cette représentation, il est possible de comprendre quelles opérations peuvent ou ne peuvent pas être différenciées à partir des données utilisées. Cette approche met en lumière des opérations plus ou moins faciles à distinguer. Par exemple, à partir des deux critères date et vitesse :
- Il est très difficile de distinguer les opérations de fenaison entre elles ;
- Il est difficile de distinguer un passage de roto-herse (préparation du lit de semences avant maïs) et un semis de betteraves alors que ces deux opérations se distinguent assez facilement d’un semis de maïs (Figure 1).
A partir de cette représentation, un modèle théorique a été imaginé dans le but de quantifier la difficulté à distinguer une opération des autres en calculant le % de recouvrement des opérations. Actuellement, le modèle permet d’étudier les paramètres deux à deux : on étudie soit date et vitesse soit vitesse et largeur, etc…
Les résultats de ce modèle sont encourageants et vont dans le sens qu’il est possible, à partir de données simples, de distinguer la majorité des opérations agricoles. A long terme, cette méthode pourrait permettre, à partir des données collectées par un smartphone lors d’une intervention, de déterminer l’opération réalisée avec un certain pourcentage de fiabilité.
Dans l’évolution du modèle, il est prévu de traiter tous les paramètres à disposition en même temps. Afin de rendre le modèle utilisable à grande échelle, il faudra mettre en place une classification des opérations. Il est également envisagé de pondérer les paramètres selon leur efficacité à isoler certaines opérations.